Éditorial : Srebrenica, 30 ans après : un couac dans la « mnémosphère » ? (Frédéric Crahay, Directeur de la rédaction)
Chroniques
- Film : Leni Riefenstahl. Cinéaste et sympathisante nazie (Brecht Capiau)
En septembre 2024, Andres Veiel a provoqué une onde de choc au Festival du film de Venise avec son nouveau documentaire, Riefenstahl. Il faut dire que l’hypocrite dénuée de remords dont sa réalisation brosse le portrait est loin de coller à l’image que la communauté cinématographique se faisait de la cinéaste allemande. Leni Riefenstahl n’était-elle pas une cinéaste pétrie de talent qui s’est « malheureusement » retrouvée du mauvais côté de l’histoire ? La grande Jodie Foster lui a même prêté ses traits dans un biopic tourné au début des années 2000 ! Les archives personnelles de Riefenstahl, ouvertes en 2016 et étudiées en exclusivité par Andres Veiel, laissent toutefois transparaître une tout autre femme. Une femme encore plus fourbe que les films de propagande qu’elle a tournés pour les nazis.
- Film : La Fabrique du mensonge. L’art de (con)vaincre (Brecht Capiau)
En enfer, Hannibal, Jules César et Napoléon se plaignent de leur sort. « Ah ! Si seulement j'avais eu des stukas en Italie », soupire Hannibal. « Si j'avais eu des panzers, j’aurais conquis la Gaule bien plus vite », grommelle César. Au tour de Napoléon de se lamenter : « Si j’avais eu Goebbels, tout le monde aurait oublié ma défaite à Waterloo. » Cette blague extraite de La Fabrique du mensonge, le dernier film du réalisateur allemand Joachim Lang, illustre deux réalités. La première, c’est que les manœuvres démagogiques de Joseph Goebbels auraient séduit n’importe quel homme de pouvoir – toutes époques et contrées confondues. La seconde, c’est que gagner ou perdre n’a aucune espèce d’importance ; seuls ceux qui manient adroitement l'art de la propagande peuvent s’offrir un rôle de choix dans les livres d’histoire. Ce long métrage, censé être un électrochoc, n’offre toutefois qu’une plongée superficielle dans la psyché de Joseph Goebbels, génie de la propagande nazie.
- Livre : Deux minutes et quatorze secondes. Une exécution de Juifs filmée en 1941 et son usage dans les documentaires d’histoire (Guy Zelis)
La Shoah au cinéma constitue une problématique intéressante portant sur la question de la représentation possible de l’extermination des Juifs par l’Allemagne nazie dans des films, œuvres de reconstitution historique ou de fiction ; on se réfère ici aux difficultés à représenter le sort réservé aux Juifs et aux controverses qui ont accompagné les sorties de films tels que Nuit et brouillard (Alain Resnais, 1955), Le Chagrin et la Pitié (Marcel Ophüls, 1971), Shoah (Claude Lanzmann, 1985), La vie est belle (Roberto Benigni, 1997) ou Le Fils de Saul (László Nemes, 2015). Là où Claude Lanzmann luttait il y a quarante ans contre l’absence de traces visuelles des génocides du XXe siècle et contre la rareté de la parole, le film documentaire a tenté de proposer une lecture visuelle du passé par l’utilisation de photographies ou de films attestant de l’extermination en masse des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
- Livre : Comment meurt une démocratie (Yannik van Praag)
On ne compte plus les ouvrages consacrés à la prise de pouvoir par les nazis. Le livre de l’historien américain Benjamin Carter Hett – Comment meurt une démocratie. La fin de la république de Weimar et l’ascension d’Hitler – n’apporte pas de révélation majeure, mais il a le mérite de remettre les projecteurs sur les dynamiques qui ont précipité l’effondrement de la République de Weimar. La démarche est importante, ne fût-ce que parce que les représentations du basculement de l’Allemagne dans la dictature en 1933 restent fortes et tenaces. Le livre met à mal plusieurs récits ancrés dans l’imaginaire collectif, comme celui d’une conquête légitime du pouvoir par les urnes ou l’idée qu’Hitler aurait été une sorte de fatalité historique. En déconstruisant ces idées reçues, l’auteur révèle une réalité plus complexe, celle d’une démocratie minée par les calculs clientélistes, les renoncements institutionnels et une radicalisation antisystème habilement instrumentalisée. Une autopsie historique qui résonne de façon troublante avec les fragilités contemporaines de nos régimes parlementaires.
Portfolio : Pourquoi photographier encore Auschwitz et Birkenau ? (Frédéric Crahay)
Words of Memory : Simone Weil (Maarten Van Alstein)
Interview with Weronika Czyżewska-Poncyljusz about the Work of the Borderland Foundation in Sejny, Poland (entretien mené par Maarten Van Alstein)
Exploring local memories in the borderlands of Poland, Lithuania and Belarus
Dossier : LA PHOTOGRAPHIE DES GÉNOCIDES ENTRE HISTOIRE ET MÉMOIRE
Le présent dossier entend revenir sur le rôle probatoire joué par l’image photographique et accessoirement filmique dans la (re)connaissance des génocides, notamment celui de la Shoah, tout en ne négligeant pas les autres fonctions qui peuvent être attribuées à l’image.
(Dossier dirigé par Agnès Graceffa et Daniel Acke)
- Présentation (Daniel Acke)
- The Spectacle of Discipline: Visual Media Representations of the Early Nazi Concentration Camps (Christophe Busch)
- Le temps d’une prise. Les tournages synchrones à la libération de Majdanek (Irina Tcherneva)
- Photographie et engagement face au drame ouïghour (Danièle Méaux)
- Children of Rwanda: holistic aftermath photography in post-genocide conditions (Frank Möller)
Varia
- Markirch, arriver et partir. L’histoire de la mise en réseau d’un camp de concentration annexe du KL-Natzweiler marqué par des dynamiques et de fortes mobilités (mars-octobre 1944) (Pierre Lo Vecchio)
- Anti-fascism and the Cold War. The Fédération Internationale des Résistants (FIR) and the memory of the resistance (Maximilian Becker)
Site mémoriel
- Le massacre de Moggiona du 7 septembre 1944 : une mémoire citoyenne partagée de la « guerre contre les civils » en Toscane (Viviana Agostini-Ouafi)
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